• "LE LISEUR DU 6H27" de Jean-Paul Didierlaurent

       Cela fait quinze ans que chaque matin Guylain se rend, la mort dans l'âme, embaucher à la Stern pour une nouvelle journée de travail. Là, il retrouve la machine sur laquelle il passe ses journées et qui souvent hante ses cauchemars. La Zerstor 500. Un mastodonte d'acier de près de onze tonnes qui réduit les livres invendus à l'état de pâte à papier informe.

       Lui, l'amoureux des mots, des belles lettres, doit se résoudre à endurer cette destruction massive, ce carnage programmé des objets qu'il chérit le plus au monde. Tout cela sous les yeux d'un patron inflexible qui se moque bien des ouvrages envoyés au pilon et qui ne pense qu'à la bonne santé de son chiffre d'affaires.

       Alors pour égayer un quotidien bien maussade, mettre des couleurs sur une existence si terne, Guylain a trouvé une jolie thérapie.

       Chaque jour, en cachette, il prélève quelques pages que le monstre broyeur n'a pas totalement anéanties et a presque recrachées en l'état. Il les fait sécher dans son modeste appartement et les lit à haute voix le lendemain matin dans le RER. Dans la rame de 6h27, sous le regard bienveillant des passagers. Dont certains deviennent des habitués et attendent ses prestations avec impatience.

       Ainsi au hasard de ce qu'il a pu sauver la veille, il arrive qu'une recette de cuisine côtoie le dénouement d'un roman policier, qui lui-même peut être suivi d'un récit de voyage, auquel il n'est pas rare que succèdent les lignes d'un poème étranger.

       Un matin, il découvre à la place qu'il occupe habituellement dans le wagon pour ses lectures publiques une clé usb. Elle va l'emmener dans une aventure qu'il n'avait pas pensé vivre un jour.

    (Livre disponible chez Au Diable Vauvert au prix de 16 euros)