• "OONA ET SALINGER" de Frédéric Beigbeder

       Elle sort d'une limousine noire et se dirige à un endroit bien précis du parc. Elle s'agenouille, creuse la terre, puis y dépose des morceaux de pocelaine brisée. Une fois sa tâche achevée, elle s'en retourne sous le regard médusé des quelques témoins présents.

       Elle, c'est Oona O' Neill, la fille d'un des plus illustres dramaturges américains, Eugène O' Neill. Et accessoirement la femme du plus grand comique du cinéma muet, Charlie Chaplin.

       Les restes de la relique qu'elle vient d'enterrer remontent à sa première histoire d'amour. Dans le New-York des années quarante. Dans l'insouciance des belles soirées d'avant-guerre. Lorsqu'au Stork Club, une des boîtes les plus en vue de l'époque, elle rencontre Jerry Salinger.

       Salinger est un écrivain en herbe qui survit en vendant ses nouvelles aux magazines qui les acceptent. Oona est une icône de la jeunesse bourgeoise de Manhattan. Il est plutôt discret et taciturne. Elle est enjouée et rayonnante.

       Au moment où leur première soirée commune s'achève, elle glisse malicieusement dans la poche du manteau de Jerry un cendrier logoté du club. C'est le début d'une belle romance qui pourtant tournera court. C'est que la guerre rattrape Salinger et il est amené à aller combattre en Europe. Oona, elle, décide de tenter sa chance comme comédienne à Hollywood.

       Ils ne se reverront que quatre décennies plus tard. Lors d'un ultime déjeuner où le petit objet de porcelaine, symbole de leur histoire avortée, changera définitivement de mains.

       Entre-temps, Salinger sera devenu un ecrivain culte, vivant reclus dans sa propriété du New-Hampshire. Oona, épouse et mère, aura suivi Chaplin dans son exil en Suisse.

    (Livre disponible chez Grasset au prix de 19 euros)